J58 – Jeudi 27 novembre 2014 – Voh
Ce matin, atelier tressage avec Julie. « C'est une activité de femme », dixit Jean-Claude ; « mais l'un des chefs de clan de la tribu est un pro en la matière » ajoute-t-il au cas où il m'aurait vexé … Tu parles ...
Nous repartons vers Hienghiène en emmenant Julie, ce qui sera encore l'occasion d'échanges fructueux.
Le bilan de notre séjour en tribu.
Nos hôtes nous ont beaucoup plu. Jean-Claude, derrière sa « gueule » de kanak il y a un homme au parler raffiné, investi dans son rôle de chef de clan, dans l'échange, curieux … (« Je vais t'expliquer pourquoi, tu vas comprendre … »). Julie, responsable des femmes du clan, vive, rigolote, porteuse de la solidarité du clan.
Le concept d'immersion dans la tribu nous a séduit. Jean-Claude : « Nous nous sommes dits que, si nous voulions être connus et compris, il nous fallait faire venir les gens dans la tribu ». Ils sont « tribu d'accueil » depuis 1996. Les débuts ont été balbutiants mais, grâce au bouche à oreille, cela fonctionne rudement bien aujourd'hui. Un coup d’œil sur le livre d'or montre qu'ils ont du monde quasiment tous les jours. Julie : « Demain, nous recevons 40 personnes pour le déjeuner ; nous allons demander aux mamans de se mobiliser ».
Au risque de perdre en poésie, dans un souci de réalisme, j'ajouterai qu'à 50.000 FP (40 €) par personne et par nuit (dîner et ptit déj compris), cela donne un business particulièrement rentable, susceptible de déstabiliser à terme les équilibres au sein de la tribu.
Le mode de vie dans la tribu nous a plutôt séduit. Il incarne ce que pourrait être la décroissance. Tu as droit à un lopin de terre et à l'aide la tribu pour construire ta maison (si tu es un garçon ; si tu es une fille tu as le droit de te marier et de rejoindre le clan de ton mari ...). Tout pousse autour de la maison et si tu veux de la viande, tu prends ton fusil et tu vas tuer un cerf. Si tu tues un cerf, tu partages, si tu tues une roussette (chauve-souris), tu gardes pour toi.
Il y a très peu d'actifs, au sens où nous l'entendons. Un employé de la mine du nickel, 2 employés communaux et l'institutrice. « Il n'y a pas beaucoup d'argent, mais si tu en as besoin, tu vas chez le frère aîné de Jean-Claude, responsable du débroussaillage de la piste, et tu lui demandes un kilomètre ».
Les points noirs : l'alcoolisme chez les jeunes. « Mais si on cherche à les empêcher de faire la fête, ce sera pire ».
Et un sentiment diffus de violence potentielle. « Parfois on dit aux enfants de ne pas traîner dehors ». C'est tout de même ici que s'est cristallisée la révolte kanak.
Nous reprenons la route, la tête encore dans la tribu. Nous terminons la remontée de la cote Est, déserte, avant de rejoindre la cote Ouest et d'amorcer le retour vers Nouméa. Nous retrouvons les montagnes décapitées par l'exploitation du nickel.
Arrêt dans le camping désert de Voh, symbole des installations touristiques du nord. Cela pourrait être bien, cela peut-être été bien, mais les installations techniques se sont dégradées, comme si on ne savait pas en assurer l'entretien … Nous passons un coup de fil pour vérifier que nous pouvons nous installer. La responsable passera demain matin. Le prix est en rapport avec ce que pourrait être le camping ...
Alors que le soleil se couche, une deuxième voiture s'aventure dans le camping. Driss et Doriane, 2 jeunes essonniens déjà rencontrés à Hienghiène. Nous passons la soirée à échanger nos vécus et nos impressions concernant le caillou... et à vanter la vie dans le Beaufortain !